« Riches, paresseux et parfois endormis ! » au point d’oublier leurs frères dans la foi qui souffrent à travers le monde. C’est par ces adjectifs que le ministre italien de la Coopération internationale et de l’Intégration a qualifié les chrétiens d’Europe, le 6 novembre 2012, rapporte Kathweb, une agence de presse catholique autrichienne. Andrea Riccardi s’exprimait à l’occasion de la Conférence sur la liberté religieuse à travers le monde qui se tenait en Allemagne, à Munich. Ses propos rejoignent ceux d’Angela Merkel, tenus le même jour, lors d’un synode protestant près de la belle plage de Timmendorfer Strand. La chancelière allemande Angela Merkel a rappelé que les chrétiens sont le groupe religieux le plus persécuté dans le monde, relate le quotidien Die Welt. Les propos du chef du Gouvernement ont été jugés vexants aussi bien du côté politique que de celui des militants des droits de l’homme.

Ministre d’Etat et fondateur de la Communauté Sant’Egidio, Andrea Riccardi, également historien, a exhorté les participants à ne pas oublier les martyrs du passé récent, avant d’appeler à se tourner vers les chrétiens actuellement persécutés. « Au cours du XXe siècle, avec ses guerres mondiales et ses meurtres de masse, des chrétiens de toutes les confessions se sont engagés sur le chemin de la charité, et ils ont été tués pour cela. Malgré leurs différence, il y a une racine commune entre les violences : le christianisme doit être éliminé en tant que source d’humanité et lieu de liberté. »

Le lauréat du Prix Charlemagne en 2009 a alors fait la distinction entre le « martyre » et le « suicide kamikaze », assurant que les chrétiens persécutés « sont des gens ordinaires comme nous. Ils ont cru, espéré et aimé l’Eglise et décidé de ne jamais se laisser intimider. Leur mort  n’a pas été une occasion de se venger, mais de demander le respect et la justice ». Le ministre a poursuivi en rappelant que les attaques contre les églises au Nigeria et dans les pays arabes reposaient sur une idéologie intolérante : les agresseurs veulent « instaurer une société totalitaire islamique et détruire le pluralisme. Après les chrétiens, ce seront les musulmans libéraux qui seront victimes » de cette haine. Andrea Riccardi a saisi l’opportunité de l’invitation à s’exprimer pour dire sa conviction que les chrétiens européens ont une part de responsabilité dans le sort de leurs coreligionnaires : pour lui, ils ont longtemps discuté de leurs seuls problèmes sans jeter un regard vers les chrétiens persécutés.

Controverse autour du soutien d’Angela Merkel aux chrétiens persécutés

Hasard du calendrier, invitée à prendre la parole devant 130 délégués de l’Evangelische Kirsche in Deutschland, l’Eglise protestante d’Allemagne, le même jour, c’est le précédent Prix Charlemagne qui a défendu les chrétiens persécutés. La chancelière allemande  a déploré que « le fanatisme, les restrictions à la liberté de religion et le mépris de la foi fassent partie de notre monde ». Mme Merkel a ensuite précisé que les chrétiens constituaient la communauté religieuse la plus frappée.

Les mots du chef du Gouvernement ont suscité de nombreuses réactions négatives. Ils ont  été dénoncés comme « faux » et « inutiles » par Jerzy Montag, au nom du groupe Alliance 90 – Les Verts au Bundestag. Les militants des droits de l’homme, Amnesty International, Human Rights Watch et le Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté de religion et de conviction, Heiner Bielefeldt, ont répondu que classer les religions d’après leur degré de persécution subie ne présente pas d’intérêt. Pour Human Rights Watch, les musulmans de Birmanie, il ne faut pas s’intéresser particulièrement aux chrétiens, car les membres de Falun Gong en Chine, ainsi que les juifs de nombreux pays font aussi face à la persécution.

Le président du groupe parlementaire CDU – CSU, Volker Kauder, et le secrétaire général de la CSU, Alexander Dobrindt sont venus à la rescousse de Mme Merkel. M. Kauder a affirmé qu’il est normal pour les chrétiens « d’avoir particulièrement à l’esprit le sort de nos frères chrétiens persécutés et sœurs. Surtout dans les pays musulmans, comme l’Irak, le Nigeria et l’Egypte, où la situation s’est détériorée au cours des dernières années ». M. Dobrindt a accusé les Verts d’exclure la persécution des chrétiens de leur «  vision multiculturelle du monde ».

La controverse n’est pourtant pas justifiée, hormis peut-être par des considérations politiciennes en ce qui concerne une partie de l’opposition. S’exprimant devant un synode protestant, la chancelière a concentré ses propos sur le sort des chrétiens, un sujet important pour la diplomatie allemande, sans exclure la persécution d’autres communautés. En parlant de croyants les plus malmenés, Angela Merkel n’a fait qu’employer le superlatif, corroboré par les réalités du terrain, une formule qui ne fait pas des chrétiens les seules victimes de l’intolérance. Le chef du Gouvernement n’entendait non plus pas classer pour entrer dans une concurrence des souffrances, mais rappeler un fait souvent négligé par les instances internationales aussi bien que par les médias, le relatif oubli de l’atteinte aux droits fondamentaux d’une communauté, celle qui est pourtant de loin la plus persécutée.

L’exhortation du ministre italien, Andrea Riccardi, n’est pas sans rappeler celle du président du groupe parlementaire CDU – CSU au Bundestag, Volker Kauder, le 7 juin dernier, qui avait appelé les églises occidentales à ne pas oublier leur appartenance à la même communauté de foi que les chrétiens opprimés à travers le monde et intercéder en faveur de leurs coreligionnaires. De tels propos ne sont pas étonnants dans ces deux pays qui ont les diplomaties les plus volontaristes en faveur des chrétiens persécutés, depuis l’investiture de Barack Obama en 2009 et la relégation par Washington du sujet au second plan et depuis l’arrivée d’Angela Merkel à la chancellerie. En juillet, la dirigeante allemande s’était rendue dans une église, lors de sa visite officielle en Indonésie, pour soutenir les fidèles, confirmant toujours plus le soutien de Berlin aux chrétiens persécutés. Dix jours plus tard, l’Italie avait appelé le monde à s’occuper de ces croyants victimes de l’intolérance religieuse.

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